Avec le printemps, les allergies reviennent. Chez les personnes sensibles, la présence de pollens dans l’air fait couler le nez, pleurer les yeux, et dans certains cas entraîne une atteinte des bronches. En termes de qualité de vie, cette période peut être vécue comme un vrai calvaire. Et si pour ne plus être victimes de la nature, les allergiques la modelaient pour qu’elle leur soit plus clémente ? L’Association Française pour la Prévention des Allergies (AFPRAL) propose de créer une diversité végétale dans les jardins et espaces cultivés qui soit plus en accord avec les contraintes de l’allergie, le tout dans un environnement sain. Être allergique et jardinier ? Quelle revanche sur la maladie ! Il suffit de sélectionner les bonnes espèces.

Composition de buis taillés, © tsach - Fotolia

Devenir acteur de sa maladie avec un jardin hypoallergénique
L’allergie pollinique touche 20 à 25% des Français, un chiffre qui a globalement triplé en 30 ans.
Selon son degré de sensibilité et l’étendue de ses réactivités personnelles, une personne allergique est susceptible de souffrir au moment des différentes saisons polliniques.
L’arrivée du printemps, surtout lorsque celui-ci est sec et venteux, est propice à des émissions de pics polliniques directement corrélés à l’intensité du rhume des foins.
Vivre en ville ne constitue pas une protection. La présence des espèces allergisantes est loin d’être négligeable en milieu urbain. Ainsi, environ 45% des arbres plantés dans les villes sont allergisants, et les graminées sont les espèces fréquemment retenues dans les espaces verts des villes en raison de leur facilité d’entretien. De plus, et du fait des interférences de la pollution automobile sur le grain de pollen, les agressions y sont encore plus virulentes. Dans le domaine de l’allergie, les espaces verts urbains ont donc un impact direct sur la santé.

Réaliser un jardin hypoallergénique
Se prémunir contre les allergies polliniques, c’est aussi être acteur de sa maladie. L’Association Française pour la Prévention des Allergies (AFPRAL) propose quelques pistes aux personnes allergiques au pollen, comme par exemple réaliser un jardin hypoallergénique.
Un jardin hypoallergénique est un jardin qui respecte ceux qui l’ont conçu, ceux qui y jouent, ceux qui l’entretiennent. Bien sûr les pollens des plantes anémophiles restent en suspension dans l’air, et se dispersent sur des centaines de kilomètres au gré des vents. Il est illusoire de parler de prévention totale en matière de pollinose, mais le choix d’implanter des espèces réputées peu ou non allergisantes permet de limiter les teneurs en pollens allergisants de nos jardins. Cela se vérifie en partie pour les pollinoses de voisinage (pollens plus lourds, voyageant peu) et tout à fait pour les allergies de contact.
Les allergiques peuvent donc prendre bêche et plantoir pour concevoir un jardin hypoallergénique, végétaliser une terrasse, un balcon, un intérieur, avec des plantes non agressives, non irritantes, voire même apaisantes.Les conseils de l’AFPRAL pour un jardin hypoallergénique

  • Préférer les jardins à la française (topiaires), dans lesquels la forme et la taille prédominent, et qui limitent fortement la floraison. En effet, les arbustes taillés très régulièrement émettent peu de pollens. De la même façon, préférer les jardins japonais, favorisant les éléments minéraux (roches, graviers, sable et eau) et principalement composés de plantes de terre de bruyère (azalées, rhododendrons, camélias, certains érables…), d’espèces de mousses, de fougères et de bambous.
  • Privilégier les mousses et les fougères qui, contrairement à la pelouse, n’émettent pas de pollen et ne provoquent pas de réactions allergiques.
  • Installer des bassins composés de plantes flottantes (nénuphars, lotus, iris, sagittaires, renouées amphibies, renoncules d’eau…) et de plantes de berge (joncs, salicaire, épilobes hirsutes, lysimaques, primevères du Japon…). Planter des variétés à fleurs doubles. Issues de sélections horticoles, leurs étamines ont été transformées en pétales et ne produisent pas de pollens.
  • Privilégier les herbes aromatiques : sauge, basilic, ciboulette, fenouil, menthe, persil, thym, aneth…
  • Privilégier les plantes autofécondes, peu allergisantes car leur pollen est disséminé directement de l’étamine au pistil: chrysanthèmes, dahlias, marguerites, clématites, renoncules, anémones…
  • Privilégier les plantes entomophiles, peu allergisantes car leurs pollens sont transportés par les insectes : les légumineuses (genêts, féviers…) les Scrofulariacées (digitales, gueules-de-loup), et les Labiées (sauges, menthes, teucrium, romarin, lavandes, phlomis…).
  • Et enfin, la tonte du gazon doit être régulière, deux fois par semaine, et à une hauteur de 2 à 2,5 cm. Il faut éviter les tondeuses rotatives (hélice placée en-dessous tournant rapidement), car elles projettent et remobilisent les pollens dans l’air. On y préfèrera les tondeuses manuelles, à lames hélicoïdales, agissant comme des ciseaux. Elles favorisent le taillage horizontal des touffes de graminées. La tonte régulière coupe une grande majorité des épis avant leur floraison (l’anthèse).

Comment agit le pollen sur les allergiques ?
Malheureusement pour les personnes allergiques, la saison pollinique peut durer quasiment toute l’année, dans un contexte de polysensibilité :

  • Dès janvier dans le sud et l’ouest de la France, la pollinisation de certains arbres débute et se prolonge jusqu’en avril. Ainsi on peut trouver dans l’air des pollens de noisetier et de mimosa dès le mois de janvier. Cyprès, platane et bouleau sont les arbres qui provoquent les réactions allergiques les plus sévères.
  • Au mois d’avril commence la saison de pollinisation des graminées, qui dure plusieurs mois. La pollinisation des graminées est plus tardive en montagne, avec un étagement des floraisons en fonction de l’altitude. Les graminées sont présentes en ville comme à la campagne, dans les prairies, les gazons, au bord des chemins…
  • Une partie d’espèces herbacées continue sa saison de pollinisation jusqu’en octobre : ces plantes vivaces ou annuelles apparaissent en ville, en bordure des routes, et dans les champs cultivés, et sont responsables de cas de rhinites et d’asthme très gênants.

L’intensité de la pollinisation peut être influencée par les conditions climatiques. En effet, s’il fait chaud et sec, la concentration de pollens augmente. Au contraire, la pluie, le froid et l’humidité diminuent ce phénomène. C’est pourquoi le réchauffement climatique a des conséquences néfastes, puisqu’il amplifie la période de la pollinisation.
Actuellement on constate une recrudescence des allergies aux pollens. Les espèces cultivées comme le thuya et le cyprès ou les espèces naturalisées comme l’ambroisie, ont proliféré en France et la population y réagit de plus en plus sur un mode immunitaire allergique. Les études épidémiologiques effectuées à la fin du 20ème siècle ont montré que toutes les affections allergiques (rhino-conjonctivite, asthme, eczéma) ont quasiment triplé durant les 30 dernières années sur la planète.

Cependant tous les pollens ne sont pas allergisants. Les plantes anémophiles (dont le vent disperse le pollen) sont problématiques pour les allergiques, car leur pollen est léger. Il reste plus longtemps en suspension dans l’air et peut pénétrer plus profondément dans l’appareil respiratoire. Les plantes entomophiles (dont les insectes assurent le transfert du pollen des étamines jusqu’aux pistils) présentent des risques quasi nuls. La grande majorité des fleurs des climats tempérés est entomophile, cependant les plantes anémophiles qui provoquent des allergies ont de très grandes populations. Les graminées forment la plus vaste population d’individus toutes espèces confondues. Dans les prairies, en bord des routes… On dénombre des milliards d’individus sur un territoire grand comme la France. On compte en moyenne entre 150 et 200 tiges fleuries au mètre carré.

Les pathologies
L’allergique aux pollens souffre d’éternuements intempestifs, avec alternativement le nez bouché ou des écoulements nasaux, les yeux rouges et prurigineux. Cette rhino conjonctivite chronique peut s’accompagner de toux de trachéites, et surtout d’asthme bronchique qui constitue la complication la plus grave de la maladie. Plus rarement, l’allergie pollinique ou “rhume des foins” peut réveiller un eczéma de type atopique ou manifester une dermite de contact. Dans tous les cas, la pollinose est responsable d’un état de fatigue chronique avec comme conséquence une baisse des performances professionnelles ou scolaires, voire un absentéisme prolongé. Pour toutes ces raisons, l’allergie pollinique devient un enjeu de santé publique.

Ambroisie, © Marc Toutain - Fotolia.com

L’exemple le plus typique est celui de l’ambroisie dans la région rhodanienne.
« L’ambroisie à feuilles d’armoise est une plante invasive dont le pollen est particulièrement allergisant. Il suffit de quelques grains de pollen par mètre cube d’air pour que les symptômes apparaissent chez les sujets sensibles : rhinite survenant en août-septembre et associant écoulement nasal, conjonctivite, symptômes respiratoires tels que la trachéite, la toux, et parfois urticaire ou eczéma. Dans 50% des cas, l’allergie à l’ambroisie peut entraîner l’apparition de l’asthme ou provoquer son aggravation. La fréquence de l’allergie à l’ambroisie est importante : selon la zone, 6 à 12 % de la population exposée est allergique. L’ambroisie est aujourd’hui très présente en Rhône Alpes : une étude menée sur la région pour l’année 2008 a estimé à environ 140 000 le nombre de personnes concernées par cette allergie et à plus de 5,6 millions d’euros les dépenses de prise en charge des malades qui en souffrent (traitements antihistaminiques, arrêts-maladies…).”

La période printanière est source de promenades, de loisirs en plein air et de renouveau. Cela peut être vécu pour la personne allergique comme une période de fatigue, de repli, d’abandon des activités extérieures. De plus si l’allergie pollinique s’aggrave souvent d’une année à l’autre au niveau respiratoire, elle peut dans certains cas se compliquer d’une allergie alimentaire par un mécanisme croisé. L’exemple le plus répandu est celui de l’allergie croisée pomme-bouleau, mais il en existe bien d’autres, et les patients concernés se trouvent également obligés de surveiller leur alimentation.
Une meilleure prévention : étiqueter les plantes provoquant des allergies
La signalétique auprès des aliments allergènes ou pouvant provoquer des chocs allergiques graves est une obligation légale. Pourquoi ne pas étendre cette démarche auprès de l’étiquetage de plantes, et ainsi faciliter la vie des jardiniers allergiques ? De cette manière, il pourrait être plus aisé de réaliser son jardin hypoallergénique.

À propos de l’Association Française pour la Prévention des Allergies – AFPRAL
Association loi 1901, reconnue comme Association d’usagers du système de santé, agréée par le Ministère de la Santé (JO du 18 mars 2009), l’Association Française pour la Prévention des Allergies (AFPRAL) s’est constituée en 1991 à l’initiative de personnes allergiques et de parents d’enfants allergiques, confrontés aux difficultés que suscite cette pathologie dans la vie quotidienne.
L’AFPRAL est membre de l’European Federation of Allergy and Airways Diseases Patients’ Associations (EFA), 27 associations en Europe, et membre de l’ALLIANCE FOOD ALLERGY USA, 17 associations de 17 pays différents dans le monde. Sous l’égide de sa Présidente Pascale Couratier, l’AFPRAL est composée de bénévoles répartis en 10 antennes régionales et dans les DOM-TOM.