La forêt dans le jardin intérieur de la BNF, Paris 13e (75)

Depuis l’esplanade publique de la Bibliothèque Nationale de France (Paris 13ème), vous voyez d’en haut la canopée des pins, véritable mer d’arbres enserrée dans le jardin intérieur et les imposants bâtiments qui l’entourent. Un petit fragment de forêt de 1,1 ha qui reproduit la forêt de Fontainebleau.

La forêt dans le jardin intérieur de la BNF, Paris 13e (75)

Une forêt qui se contemple d’en haut et sur les côtés, à travers les vitres de la Bibliothèque Nationale de France. L’accès n’est pas autorisé au grand public, sauf à quelques très rares exceptions dans l’année, notamment pendant les Rendez-vous aux jardins. Lors de la dernière édition de cette manifestation, il y avait beaucoup de monde pour venir découvrir ce morceau de nature inspiré de la forêt de Fontainebleau.Le saviez-vous ?
“L’architecte Dominique Perrault souhaitait implanter, au coeur de la Bibliothèque, une forêt afin de structurer ce bâtiment vertical. Il recherchait des arbres dont la couleur d’écorce soit en harmonie avec le bois – matériau de l’intérieur, dont le feuillage pérenne soit aussi transparent à la lumière, et dont la morphologie présente à la fois un long tronc sans branches et un houppier épanoui pouvant dépasser du niveau de l’esplanade. Dans ces conditions, le choix des pins sylvestres s’imposait.

Pour créer en même temps que le bâtiment un morceau de forêt claire, adulte, ressemblant à celle de Fontainebleau, avec des grands arbres de 15 à 25 m de haut, l’architecte au début avait imaginé pouvoir découper un morceau de forêt avec son sol et ses végétaux et le transporter à Paris ! Ensuite, de manière plus réaliste, il a cherché des pins sylvestres adultes d’environ cinquante ans à transplanter or de tels sujets n’existent pas en pépinière.

Finalement, Dominique Perrault et Erik Jacobsen, l’ingénieur agronome conseil, ont décidé en 1991 d’essayer ce qu’aucun pépiniériste n’avait jamais tenté : transplanter des arbres adultes, issus de forêts. On était ainsi presque revenu au rêve initial. Bien que certains eussent alors qualifié cette idée de saugrenue ou de surréaliste, le maître d’ouvrage accepta de courir le risque d’une telle opération inédite. Mais, il fallait trouver dans la nature les arbres adéquats. L’aide de l’Office national des forêts permit de découvrir, dans l’Eure, en forêt domaniale de Bord, sur des sols peu profonds, des placeaux peu éclaircis de pins sylvestres élancés conformes au projet architectural. Dans la mesure où certaines parcelles devaient être déboisées pour y extraire des sables et graviers reposant sous moins d’un mètre de terre, le prélèvement ne concernerait que des arbres condamnés, présentant de plus l’avantage d’avoir un système racinaire réduit. Pour préparer ce transfert, de nombreuses simulations ont été réalisées et elles ont confirmé la justesse de l’intuition de départ.

En septembre 1991, un essai fut fait sur 25 pins de 18 à 22 m qui furent mis en conteneurs pour vérifier si une telle transplantation était réalisable. En mars 1992, la seule perte constatée était celle d’un arbre cassé par le vent. L’essai étant concluant, 130 pins furent alors choisis et extraits avec une motte de 3 m de diamètre, mis en jauge, installés dans une fosse derrière une haute clôture, et protégés du vent par un système de haubans. À quelques centaines de mètres de leur lieu d’origine, pendant trente mois, ils ont été surveillés et soignés par arrosage, fumure et traitements sanitaires, avant leur transfert définitif. Ces arbres firent alors preuve d’une remarquable vitalité : les pousses annuelles étaient presque deux fois plus longues que celles des arbres restés en forêt et les chevelus racinaires s’étaient très bien densifiés à la périphérie des mottes. A titre d’expérience, un grand chêne, un bouleau et deux hêtres avaient aussi été mis en jauge avec le même succès, ce qui ouvrait des perspectives pour d’autres projets.

En définitive, seuls une douzaine de pins ont péri, notamment à cause d’une attaque de scolytes. Les survivants partirent pour un étrange voyage qui vit, du 31 août au 18 novembre 1994, 40 convois exceptionnels acheminer, par groupe de trois, 120 pins sylvestres de quarante ans depuis la forêt de Bord jusqu’au 13ème arrondissement de Paris. Sur le chantier, une grue amenait chaque pin voyageur sur son lieu de plantation au centre de la Bibliothèque.

Dans le jardin d’environ 12 000 m2, l’espace forestier couvre 10 600 m2, le reste étant constitué d’un déambulatoire, un ruban périphérique de caillebotis inox. Au centre de la Bibliothèque, au milieu du puits de lumière, une gigantesque fosse de 2 à 3 m de profondeur a été creusée dans le calcaire. Un système de drainage y a été installé pour collecter les eaux d’infiltration et les eaux pluviales excédentaires. L’ensemble a été recouvert par un lit de graviers de 30 cm d’épaisseur surmonté d’un géotextile anti-contaminant. Enfin, la fosse a été remplie d’une couche de terre arable sablonneuse de 3 à 5 m d’épaisseur pour créer un léger vallonnement : 40 000 m3 de terre ont ainsi été amenés. Un système d’irrigation automatique assure la nuit les besoins en eau des arbres : en 5 heures, 5 mm d’eau peuvent être apportés sur l’ensemble du jardin pour compenser l’évaporation d’un jour d’été sans pluie.

Dans cette fosse, trois strates d’arbres sont plantées. On distingue les 120 pins sylvestres de cinquante ans venant de la forêt de Bord, mais aussi, en deux sous-étages, des arbres de pépinière. Ce sont 50 pins sylvestres de 8 à 12 m, quelques très jeunes pins sylvestres de 2 m de haut et des grands feuillus pour rythmer les saisons : une vingtaine de chênes rouvres de 10 à 12 m, une vingtaine de cépées de charmes de 8 à 10 m, et une quarantaine de cépées de bouleaux de 8 à 12 m. Les hêtres ont été proscrits, de peur qu’ils ne colonisent tout ce milieu artificiel s’il advenait qu’ils s’y plaisent. Enfin, un étage herbacé est constitué d’un tapis de fougères, de bruyères, de myrtilliers, de fraisiers, de jacinthes, d’anémones des bois, de digitales, de myosotis, de géraniums, de muguets, de primevères, de jonquilles, de perce-neige, etc. L’installation d’une centaine de rochers de grès achève la création de cette réplique bellifontaine.”
(Source : Le silvarium de la Grande Bibliothèque par Olivier Nougarède et Pierre Alphandéry, INRA, Economie et Sociologie rurales, unité STEPE, 63-65, bd de Brandebourg, 94205 Ivry)

Je ne me souvenais plus de cette histoire incroyable et de ce projet pharaonique…
Cette forêt que beaucoup pensait sans avenir est toujours là. La tempête de 1999 a malmené une trentaine d’arbres, certains ont péri, mais la nature a bien fait les choses. D’autres essences (merisiers et sureaux notamment) se sont implantées toutes seules, certainement transportées par les nombreux oiseaux qui fréquentent la forêt.

Pour en savoir plus…
Depuis décembre 2011, une exposition intitulée “La BnF en son jardin” est proposée dans la Bibliothèque Nationale de France. Cette exposition, en présentant quelques-unes des espèces présentes dans le jardin de la BnF, est une invitation à partager le « jardin-forêt », une manière d’y pénétrer sans en déranger les occupants et de recueillir des pistes pour apprécier pleinement ce paysage insolite. À travers huit lutrins situés contre les façades vitrées de l’allée de l’Encyclopédie, en confrontation directe avec le jardin, découvrez les espèces et leurs échanges avec leur milieu environnant.  Les espèces présentées sont illustrées par des reproductions de planches naturalistes issues des collections de la BnF, département des Sciences et techniques. Une partie de ces illustrations est accompagnée de points sensoriels diffusant chants ou cris pour les oiseaux, odeurs pour quelques plantes.
Du mardi au samedi de 9h à 20h; Dimanche de 13h à 19h; Lundi de 14h à 20h; Fermé les jours fériés; Entrée libre.