Par un dimanche d'automne pluvieux dans le cimetière du Père Lachaise, Paris 20e (75)

Toussaint 2012 : les cimetières parisiens innovent pour la conservation de leur patrimoine et un meilleur service aux usagers.

Comme chaque année, le service des cimetières de la Ville de Paris est mobilisé pour assurer l’accueil de près de 450 000 visiteurs attendus pendant les vacances de la Toussaint. À cette occasion, les cimetières parisiens accueilleront plusieurs innovations lancées cette année par la Ville de Paris.

Des chapelles funéraires abandonnées transformées en mini-colombariums
Après une première expérimentation réussie au Père Lachaise, la Ville de Paris a lancé cette année un programme de réhabilitation d’anciennes chapelles funéraires laissées à l’abandon faute d’ayant-droits. Acquises par la municipalité et intégralement restaurées, une dizaine de ces anciennes sépultures historiques des cimetières du Père Lachaise, Montparnasse, Montmartre et Passy accueilleront bientôt 80 emplacements destinés à recevoir des urnes funéraires.
Financé intégralement par la vente d’emplacements aux usagers, ce programme permet de pérenniser la préservation du patrimoine funéraire parisien, et de répondre au manque de place dans les cimetières de la capitale.

Une meilleure information des usagers
Le déploiement d’un nouveau logiciel d’information du public a été lancé cet automne dans les cimetières parisiens. À terme, cet outil informatique permettra la mise en place d’un guichet unique pour l’ensemble des cimetières parisiens. Les usagers pourront se rendre dans n’importe quel cimetière de la capitale et se renseigner sur l’emplacement de l’ensemble des sépultures du parc funéraire parisien.
Actuellement, les cimetières de Montmartre, des Batignolles, Saint Vincent et le cimetière parisien de Bagneux sont déjà concernés par cette innovation. Parallèlement, un programme de numérisation des registres de cimetières parisiens vient d’être lancé par la Ville. Une copie des registres les plus anciens, datant pour certains de 1786, sera adressée aux archives municipales et constituera à l’avenir un précieux outil de recherche pour les généalogistes.

Chrysanthème par un dimanche d'automne pluvieux dans le cimetière du Père Lachaise, Paris 20e (75)

Des cimetières spécialement fleuris…
L’ornementation florale fait l’objet d’un soin particulier. Les agents de maîtrise horticoles de la Ville de Paris rivalisent de professionnalisme et d’idées pour composer des décorations florales, fleurir les divisions militaires (12 000 chrysanthèmes), les monuments aux morts et les sépultures d’anciens combattants. Des jardinières, ornées de chrysanthèmes sont déposées aux entrées des nécropoles. Les caveaux individuels du cimetière parisien de Thiais, qui accueillent les défunts sans ressources ou non identifiés, bénéficient également d’une attention particulière puisque chaque caveau est fleuri par la municipalité (3 000 chrysanthèmes). Les plantes et les fleurs ont pour la plupart été produites dans le centre horticole municipal de Rungis.

Par un dimanche d'automne pluvieux dans le cimetière du Père Lachaise, Paris 20e (75)
Durant tout le mois d’octobre, au moment de la chute des feuilles, les moyens déployés pour l’entretien sont renforcés : moyens supplémentaires en hommes et en matériels, agents techniques venus des espaces verts et des bois de la Capitale, nombreux passages d’engins de balayage, nettoyages répétés, évacuation de plus de cent tonnes de feuilles en quelques jours. Les fossoyeurs s’occupent, pour leur part, d’améliorer les cheminements des divisions en pleine terre.

Le zéro “phytosanitaire” et le recyclage
Comme les autres espaces verts, le Service des cimetières s’est intéressé ces dernières années à l’impact écologique de ses activités dans les cimetières qui sont des lieux favorables à la biodiversité. L’enjeu est d’importance car les cimetières parisiens couvrent 422 hectares (92h intra-muros, 330h extra muros).
De nombreuses communes en Europe ont décidé de lancer l’expérience “zéro phyto” dans leurs espaces verts, en supprimant totalement le recours aux produits chimiques pour lutter contre la pousse des herbes indésirables. Cette démarche a souvent nécessité une campagne de communication car la présence d’herbes est facilement assimilée à un abandon ou un manque d’entretien. Pourtant, la faune naturelle du site trouve souvent refuge et nourriture dans ces herbes. Les communes, dont Paris, qui ont tenté la même expérience dans leurs cimetières, se sont systématiquement heurtées à une vive protestation des usagers, qui critiquent toute présence d’espaces non désherbés. Malgré tout, la ville de Paris a ralenti mais poursuivi l’expérience, en espérant qu’avec le temps, les mentalités changeront, que le public funéraire admettra que la diminution de l’usage des pesticides et désherbants est de l’intérêt général.
Traditionnellement, l’entretien des cimetières usait massivement de produits phytosanitaires parmi lesquels une majorité de désherbants. De 1998 à 2012, l’épandage de produits phytosanitaires dans les cimetières parisiens a été réduit de 87% (désherbants, anti-germinatifs, engrais…). Cette nouvelle approche de l’entretien des cimetières a nécessité une phase de transition pour former les personnels aux nouvelles techniques (conformes à la nouvelle règlementation nationale sur l’emploi des produits phytosanitaires – arrêté du 12 septembre 2006 du Ministère de l’agriculture et de la pêche).
De même les déchets minéraux, issus des reprises de concessions (anciennes pierres tombales, ciment et béton des anciens caveaux) sont transformés en “grave” (gravillons) utilisée lors des travaux de voirie (remblais), évitant ainsi la mise en décharge de 4 000 tonnes de déchets minéraux par an.

Des lieux propices à la biodiversité
Les cimetières sont également des lieux de biodiversité parmi les plus importants en ville. Moins soumis à la pression humaine que les parcs et jardins, ces lieux calmes permettent l’installation durable et la préservation de plantes et d’animaux variés. La plupart des cimetières parisiens ont des flore et faune d’une richesse inhabituelle dans un environnement urbain. Tel est le cas, par exemple, du cimetière du Père-Lachaise, qui avec ses 44 hectares, constitue le plus grand espace vert parisien intra-muros, mais surtout des cimetières extra muros. On dénombre ainsi 142 essences d’arbre différentes en cimetières intra-muros et 161 essences différentes en cimetières extra muros. On a découvert récemment plus de cinq variétés d’orchidées sauvages françaises dans les cimetières parisiens. Les champignons y sont également nombreux et variés (bolets divers, rosés, coulemelles… jusqu’aux morilles)
La diversité avicole amène régulièrement le Centre Ornithologique d’Ile de France (CORIF) à organiser des visites ornithologiques dans les cimetières parisiens du Père-Lachaise, de Pantin, Thiais et Bagneux. Lors de ces visites, les promeneurs peuvent ainsi découvrir près d’une centaine d’espèces d’oiseaux (dont des hiboux moyens ducs, des chouettes effraies, des pics de toutes sortes, des éperviers, des hérons de passage…). Les cimetières comptent aussi des mammifères (écureuils, fouines, hérissons, chats semi sauvages, rongeurs…), des batraciens (crapauds et lézards), de nombreux insectes et une flore d’autant plus variée que de nombreuses plantes et arbustes sont introduits par les propriétaires de tombes. Ce nouvel intérêt pour la nature aura sans doute dans quelques temps des conséquences sur l’évolution des concessions funéraires. Très courantes au 19ème siècle, la jardinière avait quasiment disparu de l’art funéraire au 20ème siècle, mais la végétalisation des sépultures fait un retour en force dans les cimetières parisiens en ce début de 21ème siècle. À l’instar des cimetières viennois où la végétalisation des sépultures est le modèle majoritaire, cette tendance si elle devait se confirmer dans les cimetières parisiens, serait particulièrement bénéfique non seulement à la biodiversité, mais également au renouveau de l’art funéraire, particulièrement pauvre actuellement.
Confrontés à une pression urbanistique et démographique devenant de plus en plus forte sur le territoire parisien (à titre de comparaison, la densité parisienne est de 21 000 habitants/km2 contre 4 200 à Vienne), la faune et la flore peinent de plus en plus à trouver les espaces nécessaires à leur épanouissement ou à leur survie, dans certain cas. Dans ce contexte, les 422 hectares de parcs funéraires parisiens sont particulièrement importants pour la biodiversité. Outre les espèces citées, notons depuis 2011, l’implantation de renards aux cimetières parisiens de Thiais, Pantin et Bagneux.
En 2012, pour favoriser la biodiversité, le service des cimetières a poursuivi ses tests de création de zones naturelles où l’intervention humaine est réduite au minimum pour laisser la nature se développer. Pour sensibiliser toutes les personnes, agents et usagers, aux enjeux environnementaux, des panneaux d’information ont été posés autour de ces zones et des recensements de biodiversité y sont menés avec la participation de spécialistes de l’agence de l’Écologie Urbaine (AEU). Bien que cette démarche soit encore trop récente pour en tirer des résultats exhaustifs, les usagers et les personnels des cimetières ont pu constater des pousses naturelles de fleurs inattendues comme celles d’orchidées sauvages ou, preuves de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, la réapparition du coquelicot et du chardon dans les cimetières parisiens.

Chrysanthème par un dimanche d'automne pluvieux dans le cimetière du Père Lachaise, Paris 20e (75)