Prunus blanchis dans le parc des Buttes-Chaumont, Paris 19e (75)

Quand j’ai aperçu ce bosquet d’arbres entièrement blancs dans le parc des Buttes-Chaumont alors que je les avais vu d’un beau pourpre quelques semaines et mois auparavant, j’ai d’abord cru à une méga attaque d’oïdium. Mais autant de blanc, c’est louche ! Après le sapin floqué, ce sont les prunus peinturlurés ? Non, c’est une installation artistique.

Prunus blanchis dans le parc des Buttes-Chaumont, Paris 19e (75)

Prunus blanchis dans le parc des Buttes-Chaumont, Paris 19e (75)

C’est une oeuvre d’art qui a été installée dans le parc des Buttes-Chaumont dans le cadre de la biennale de Belleville 2012 (jusqu’au 20 octobre 2012). Une création de l’artiste français Vincent Lamouroux, dénommée Air 23.

Prunus blanchis dans le parc des Buttes-Chaumont, Paris 19e (75)

Prunus blanchis dans le parc des Buttes-Chaumont, Paris 19e (75)

Vouloir blanchir un bosquet de vénérables chênes ou feuillus du parc des Buttes-Chaumont a quelque chose d’irrespectueux pour les essences soigneusement protégées du grand espace vert de l’Est parisien. Irrespectueux ou doublement iconoclaste en cette époque où la couleur verte est devenue synonyme de respectabilité économique et de garantie de préservation d’une nature bien malmenée lorsque le blanchiment est à peu près l’exact symbole opposé, cumulant l’horreur économique et l’horreur écologique… Mais le propos de l’artiste n’est pas de faire une œuvre aussi directement polémique par ces allusions au greenwashing, il est — dans une intention purement esthétique — de vouloir s’en prendre à la couleur des arbres, ce qui après tout n’est pas une mince affaire puisqu’ici la question de l’échelle est loin d’être négligeable. Changer le vert pour le blanc, c’est un peu vouloir transformer le plomb en or, cette vieille lune des alchimistes, et contredire l’ordre naturel des choses, des saisons ; c’est aussi s’attaquer à un confort rétinien profondément inscrit dans notre système d’évaluation et de perception de l’espace environnant. Créée voici deux ans au Vent des Forêts, dans la Meuse, domaine forestier pour lequel elle était parfaitement taillée, cette œuvre, importée à Paris dans le contexte d’une zone arborée parfaitement domestiquée, prend une toute autre signification : elle vient dialoguer, à un siècle et demi de distance, avec l’art des jardins de l’ingénieur Alphand, créateur du parc, que l’on surnomma l’”ingénieur-artiste”.
Aussi nous ne dévoilerons pas sa véritable localisation, afin que vous la découvriez par hasard, au détour d’une allée du parc, constellation de collines et de petites facéties architecturales pensées dans le but de dérouter le promeneur et de le faire voyager dans un décor purement artificiel, où même, paraît-il, il fut question de construire les premières montagnes russes : le projet de Vincent Lamouroux peut aussi s’envisager comme le juste prolongement de cette architecture romantique conçue en pleine époque haussmannienne dans le but d’enchanter le quotidien des Parisiens et de les plonger dans une sorte de songe éveillé…”
Patrice Joly

Prunus blanchis dans le parc des Buttes-Chaumont, Paris 19e (75)

Ce n’est pas de la peinture, mais de la chaux éteinte.