Une des conséquences de la mondialisation et de l’accroissement des échanges internationaux de marchandises est l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. En France, on a ainsi vu arriver récemment le frelon asiatique et l’écureuil de Corée. Dans la liste des 100 espèces exotiques envahissantes les plus néfastes au monde, il n’y a qu’un seul Plathelminthe : Platydemus manokwari, aussi appelé Plathelminthe de Nouvelle-Guinée. Cette espèce, qui vient d’être trouvée en France, à Caen, a été identifiée par une équipe de chercheurs internationale dirigée par Jean-Lou Justine de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS / UPMC / EPHE). Il s’agit de la première découverte dans toute l’Europe, rapportée dans un article paru hier mardi 4 mars dans PeerJ.

Plathelminthe de Nouvelle-Guinée, Platydemus manokwari de Beauchamp, spécimen collecté dans une serre chaude à Caen, photo Pierre Gros
Les effets du Plathelminthe de Nouvelle-Zélande, Arthurdendyus triangulatus, sont déjà connus en Europe. Cette espèce, qui a envahi tout le nord des Îles Britanniques, dont l’Écosse et l’Irlande du Nord, est responsable d’importantes diminutions des populations de vers de terre. Afin d’éviter son extension à d’autres territoires, des mesures ont été mises en place par certains pays européens. Cette espèce n’a jusqu’ici jamais été trouvée en France.
Mais un autre Plathelminthe, Platydemus manokwari ou Plathelminthe de Nouvelle-Guinée, vient d’être trouvé pour la première fois en France et en Europe. Découverts dans une serre du Jardin des Plantes de Caen (Basse-Normandie), ces vers ont été identifiés par leur aspect caractéristique et par une analyse moléculaire du gène de la Cytochrome Oxydase de type I, souvent utilisé pour caractériser les animaux (code-barre).
Platydemus manokwari a été introduit – parfois volontairement – dans plus de quinze territoires dans le Pacifique, où il est devenu envahissant. Il consomme les escargots terrestres, mettant ainsi en danger les espèces endémiques. En effet, bien que vivant sur le sol, il est capable de monter sur les arbres pour y suivre les escargots. Très plat, il mesure 5 cm de long et 5 mm de large ; son dos est sombre (couleur olive noire) avec une bande centrale claire, son ventre plus clair. La tête est allongée, avec deux yeux noirs bien visibles. La bouche n’est pas sur la tête, mais sous le corps, en son milieu.

Le Plathelminthe de Nouvelle-Guinée, originaire d’un pays tropical, habite les régions montagneuses de l’île, à une altitude de 3000 m : il peut donc survivre à des températures relativement fraîches, allant jusqu’à 0°C. Ainsi, il n’est pas impossible que l’espèce puisse se répandre dans le milieu naturel en France et dans une grande partie de l’Europe. De plus, il a été observé en laboratoire qu’il est capable de consommer des escargots européens.

Platydemus manokwari de Beauchamp, 1963, prédation sur un escargot indigène, photo Pierre Gros
En fait, même si Platydemus manokwari menace surtout les escargots, un des principaux dangers de cette espèce est que son régime alimentaire est très diversifié – elle peut se nourrir de dizaines d’espèces, dont des vers de terre. Platydemus manokwari représente une menace nouvelle et importante pour la biodiversité en France et en Europe, qui héberge plusieurs centaines d’espèces d’escargots, dont certaines sont en danger et protégées. Il est donc important de réfléchir à la mise en place de mesures d’éradication et de contrôle de ce Plathelminthe.

Références
Jean-Lou Justine, Leigh Winsor, Delphine Gey, Pierre Gros, Jessica Thévenot.
The invasive New Guinea flatworm Platydemus manokwari in France, the first record for Europe: time for action is now.
PeerJ, 4 mars 2014.

Site Internet de Jean-Lou Justine : http://bit.ly/Plathelminthe
Sur Twitter : https://twitter.com/Plathelminthe4
Inventaire national du Patrimoine naturel INPN : http://inpn.mnhn.fr/

L’article est en anglais mais le lien https://peerj.com/articles/297 donne accès à une traduction intégrale de l’article en français : “Le ver plat de Nouvelle-Guinée Platydemus manokwari en France, première mention en Europe : il faut agir maintenant”.
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