À deux semaines de l’ouverture du Salon International de l’Agriculture 2022 et à deux mois des élections présidentielles, Terre & Humanisme a voulu prendre de la hauteur, pour s’intéresser à la perception des Français sur la place de l’agroécologie en France. Ainsi, en partenariat avec Opinionway, Terre & Humanisme lance le premier baromètre de l’Agroécologie  : “Les Français et l’agroécologie”.

Infographie. Opinionway, Terre & Humanisme lance le premier baromètre de l’Agroécologie  : "Les Français et l’agroécologie"

3 grands enseignements ressortent du sondage OpinionWay pour Terre et Humanisme (janvier 2022) :

  • Une volonté de changement des pratiques agricoles et un réel soutien aux agriculteurs
    La quasi-totalité des Français souhaite que le modèle actuel d’agriculture conventionnelle évolue (92%), un souhait de transformation radicale pour 43% d’entre eux.
  • L’agroécologie, une pratique trop peu connue des Français mais qui emporte leur adhésion
    Plus de la moitié des Français déclarent connaitre l’agroécologie (53%),pourtant, seul 17% déclarent savoir précisément de quoi il s’agit.
  • Un attrait pour pratiquer les bonnes pratiques agroécologiques individuelles
    Les Français expriment un désir de formation et d’apprentissage pour le potager. Ainsi, apprendre à cultiver en interaction avec la nature (85%)

L’étude « Les Français et l’agroécologie » pour Terre et Humanisme est destinée à évaluer la perception et les pratiques des Français liées à l’agriculture et plus particulièrement à l’agroécologie afin de répondre aux objectifs de Terre & Humanisme. Ceux-ci sont de faire connaitre, démocratiser et encourager les pratiques agroécologiques par la transmission et la formation.
Cette étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 1027 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence.
Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview) du 5 au 6 janvier 2022.

(Sondage OpinionWay pour Terre et Humanisme; janvier 2022)

A. Les Français sont peu favorables aux pratiques agricoles conventionnelles actuelles mais affichent un réel soutien aux agriculteurs

Les Français sont attachés aux agriculteurs et se préoccupent de leur sort. Ainsi, plus de trois quarts des Français considèrent que le métier d’agriculteur est aujourd’hui insuffisamment valorisé (83%). Seule une minorité considère qu’ils sont suffisamment valorisés aujourd’hui(16%).

  • Les plus jeunes sont légèrement plus optimistes et estiment que les agriculteurs sont suffisamment valorisés : 19% des 18-24 ans contre 8% pour les 65 ans et plus. De même les 35-49 ans sont également plus nombreux à juger que les agriculteurs sont suffisamment valorisés (21%).
  • Les catégories socio-professionnelles aisées ont une meilleure image du métier d’agriculteur et estiment davantage qu’il est suffisamment valorisé (20%) même si une nette majorité pense l’inverse (79%).
  • Le sentiment d’un manque de reconnaissance du métier des agriculteurs est partagé par l’ensemble des habitants des agglomérations de plus de 2000 habitants.

Ce constat rejoint pleinement les défis identifiés que doit relever l’agriculture aujourd’hui. Parmi ceux-ci, le premier défi est une rémunération plus juste pour les agriculteurs (70%) bien avant la production et la vente locale (57%) et la culture sans intrants chimiques ou pesticides (56%).

  • Une rémunération plus juste pour les agriculteurs est un défi particulièrement important pour les 50 ans et plus (77%).
  • Les habitants des agglomérations de 100 000 habitants et plus sont également les plus favorables à une rémunération plus juste des agriculteurs (74%). Les habitants des communes rurales, plus en direct avec le métier, sont plus modérés sur ce sujet, 64% estiment que le grand défi de l’agriculture d’aujourd’hui doit être de rémunérer les agriculteurs à leur juste valeur (écart de 6 points avec la moyenne).

Les autres défis identifiés par les Français sont les défis liés directement à l’environnement : la préservation de l’environnement (53%), l’adaptation aux changements climatiques (45%), la préservation des ressources (44%), la protection de la faune et de la flore (40%). Mais aussi à l’alimentation : l’accès à une nourriture saine et de qualité pour tous est considéré comme un défi majeur par une moitié de Français (49%).

Dans une moindre mesure la diminution de la pauvreté rurale (35%) et le respect des paysages (30%) sont considérés comme des défis à relever pour un tiers des Français environ uniquement.

La forte adhésion aux différents défis à relever pour l’agriculture traduit une volonté dechangement. La quasi-totalité des Français souhaite que le modèle actuel d’agriculture conventionnelle évolue (92%), avec un souhait de transformation radicale pour 43% d’entre eux.

  • Les hommes et les 50 ans et plus sont plus nombreux à souhaiter une transformation radicale du modèle actuel (respectivement 49% et 50%).
  • À l’inverse, les femmes, les habitants des communes rurales et les moins de 35 ans sont plus nombreux à souhaiter que le modèle actuel évolue légèrement (respectivement 54%, 55% et 57%).

Afin de faire évoluer ce modèle, plusieurs moyens d’actions sont privilégiés. L’interdiction des intrants chimiques apparait comme l’un des premiers identifié par les Français (52%). Les nouvelles pratiques des Français, vers des consommations plus bio et plus responsables, les incitent à davantage se préoccuper des produits chimiques qu’ils pourraient potentiellement consommer.
L’interdiction n’est pas l’unique solution et les Français identifient clairement l’accompagnement et la formation des agriculteurs aux techniques agroécologiques comme un autre moyen d’action efficace (52%).

  • Les plus radicaux concernant la transformation du modèle actuel d’agriculture sont également les plus favorables à la diffusion des bonnes pratiques de l’agroécologie par la formation et l’accompagnement (58%).

Les solutions économiques comme moyen d’action sont partagées par un peu moins de la moitié des Français :

  • Que ce soient des solutions de contrôle (encadrement des prix des produits agricoles et agroalimentaires – 45% ;
  • proposer un système de taxation plus favorable ou incitatif sur les produits agricoles – 33%)
  • ou bien des aides (réorienter l’aider publique vers les petits exploitants que ce soit dans les pays du Nord ou du Sud – 43%) pour les exploitants.

B. Une aspiration forte des Français pour consommer des produits issus d’un potager, et un attrait pour pratiquer les bonnes pratiques agroécologiques individuelles

Les modes de cultures alternatifs personnels attirent les Français, le souhait d’avoir unealimentation plus saine et plus équilibrée est fortement présent chez les Français. En pratique, près de la moitié des Français consomment des produits issus de leur potager ou du potager d’un de leur proche (45%), plus d’un quart le fait au moins une fois par semaine(29%).

  • La moitié des moins de 50 ans consomment des produits issus de leur potager ou d’un potager de leur proche (50%), à l’inverse de leurs aînés qui en bénéficient un peu moins (42%, écart de 8 points).
  • Une consommation qui est plus forte parmi les habitants des zones rurales, plus à même d’avoir un jardin : 60% des ruraux consomment des produits issus de leur potager contre 41% parmi les citadins des agglomérations de plus de 100 000 habitants et 32% des habitants de l’agglomération parisienne. Les propriétaires de maisons, qui ont des jardins également plus accessibles, en consomment davantage (58%).
  • Les personnes ayant des enfants de moins de 18 ans au sein de leur foyer sont plus attentives à ce type de consommation, 54% consomment des produits issus d’un potager au moins une fois par mois, signe d’une alimentation saine à transmettre à ses enfants.

Cette consommation va de pair avec les perceptions sur les avantages d’avoir un potager. Les avis sont quasiment unanimes, plus de huit Français sur dix soulignent les effets bénéfiques du potager :

  • L’aspect éducatif d’un potager est souligné de façon majoritaire, il permet aux enfants d’apprendre où viennent les aliments (une affirmation partagée par 95% des Français, dont 57% de tout à fait).
  • L’origine, le goût ou bien le caractère naturel des produits sont considérés comme des atouts non négligeables au potager pour la quasi-totalité des Français. Ces perceptions sont très tranchées avec des scores de tout à fait partagé par plus de la moitié d’entre eux (94% des Français pour les trois items, dont respectivement 60% de tout à fait pour l’origine des produits, 57% pour le goût et 54% pour le caractère naturel).
  • Les avantages économiques et sociaux sont également mis en avant. Ainsi, neuf Français sur dix estiment que le potager permet de se nourrir de manière plus économique, et que les jardins partagés favorisent les liens sociaux (89% et 91%). L’aspect économique est plus prononcé, près de la moitié des Français sont tout à fait d’accord (47% contre 35% pour les jardins partagés).
  • Les 50 ans et plus sont convaincus par l’aspect éducatif d’un potager (97%), de la connaissance de l’origine des produits (97%) et ainsi que de leur goût (96%).
  • Les catégories sociales les moins aisées sont davantage intéressées par l’aspect économique (93%).

Concrètement, plus d’un tiers des Français ont un potager proche de chez eux (34%), ils sont plus d’un quart à souhaiter avoir un potager (26%), soit 60% des Français ont ou souhaitent cultiver un potager. Dans le détail, ceux qui souhaiteraient le faire sont 7% à savoir le faire, 9% à ne pas savoir le faire et 10% à souhaiter que leur ville leur propose une parcelle ou un jardin partagé pour le faire.

  • Les personnes qui cultivent déjà un potager sont majoritairement les 50 ans et plus (39%) et les habitants des communes rurales (56%).
  • Les moins de 50 ans ne sont pour autant pas réfractaires à la culture d’un potager et souhaiterait le faire (34% souhaiteraient cultiver un potager contre 26% en moyenne). Unedes raisons principales est qu’ils ne savent pas comment faire : 13% ne savent pas comment faire contre 9% en moyenne (17% pour les 18-24 ans, 11% pour les 25-34 ans et 13% parmi les 35-49 ans).
    Les catégories sociales les plus aisées apparaissent également plus intéressées (32%, dont 12% qui ne savent pas comment faire) ainsi que les habitants de l’agglomération parisienne (38%). Ces derniers seraient favorables à la mise ne place de jardin partagé, cas typique de Paris (19% aimeraient que leur ville leur propose)
  • Enfin, les cibles les plus réticentes à la culture d’un potager sont les plus âgés, 65 ans et plus (51%) avec des difficultés potentielles d’entretien d’un jardin. Les habitants des agglomérations de 100 000 habitants et plus qui n’ont pas la possibilité d’avoir un jardin ne souhaitent pas cultiver de potager (50% ne le souhaite pas, dont 29%n’ont pas de jardin).

Les Français sont favorables aux pratiques agroécologiques à réaliser au sein d’un potager. Tout comme la suppression des intrants chimiques et pesticides à plus grande échelle, les Français favoriseraient la suppression de ces substances additives dans leur potager(88%). La moitié seraient tout à fait prêts à le faire (53%). A la fois simple et accessible à tous, la production de compost avec les déchets de cuisine est également une pratiquequ’ils seraient prêt à réaliser majoritairement (84%, 51% de tout à fait). Dans des proportions similaires, la pratique du paillage dans un objectif de réduction du gaspillage de l’eau est également valorisée (85%, 44% de tout à fait).

  • Les possesseurs d’un potager sont très sensibilisés aux bonnes pratiques, la quasi-totalitéd’entre eux seraient prêt à supprimer les intrants et pesticides (97%), pratiquer le paillage (95%) et produire du compost (95%). Un attrait équivalant pour ceux qui aimeraient faire un potager (90%, 87%, 93%).
  • Les Français expriment un désir de formation et d’apprentissage. Ainsi, apprendre à cultiver en interaction avec la nature (85%) et suivre une formation pour connaitre les bonnes pratiques (70%) sont largement plébiscités.
    Concernant la formation, un attrait pour le sujet est nécessaire : ceux qui souhaitent cultiverun potager y sont très favorables (84%) contrairement à ceux qui n’ont pas de potager(58%).

C. L’agroécologie est une pratique modérément connue des Français, mais qui emporte leur adhésion et nécessite davantage d’informations

Plus de la moitié des Français déclarent connaitre l’agroécologie (53%), pourtant, seul17% déclarent savoir précisément de quoi il s’agit. Cette pratique reste méconnue pour une petite moitié des Français (46%).

  • Les hommes (22%), les 18-24 ans (26%) et les 65 ans et plus (22%) connaissent davantage précisément cette technique.
  • Les citadins de l’agglomération parisienne, en général plus informés, connaissent plusprécisément cette pratique (23%).

Même s’ils ne savent pas précisément ce que c’est, après explication, les Français ont des opinions très favorables sur les techniques agroécologiques. La quasi-totalité affirme que cette pratique devrait être soutenue par les pouvoirs publics (91%, dont 42% tout à fait) car elle apparait comme une solution au modèle actuel d’agriculture (87%, dont 32% tout àfait).

Les bénéfices directs de l’agroécologie sont largement reconnus, que ce soit sur l’accès à la nourriture plus saine (89%), l’aspect économique (85% considèrent que cela permet de limiter les importations extérieurs) ou encore la lutte contre le changement climatique (84%).Enfin, les Français considèrent que l’agroécologie pourrait être une solution au manque de reconnaissance des agriculteurs en revalorisant le métier de paysan (82%).

  • L’agroécologie réussi à convaincre l’ensemble des Français (peu de différences entre les cibles) et sur tous les aspects (plus de 8 répondants sur 10 sont d’accord sur l’ensemble des avantages de l’agroécologie). Une adhésion forte qui recueille des perceptions très tranchées : plus d’un quart des répondants sont tout à fait d’accord.
  • Ceux qui se sentent bien informés sont plus nombreux à estimer que l’agroécologie devraitêtre soutenu par les pouvoirs publics (94%), et à être convaincus des bienfaits del’agroécologie, que ce soit concernant la nourriture saine (93%) ou la perception d’unesolution alternative au modèle actuel (91%). Ainsi, le niveau de soutien à l’agroécologie est renforcé avec le niveau d’information.

Près de trois quarts des Français se sentent mal informé sur l’agroécologie (73%). Un quart d’entre eux dispose d’un bon niveau d’information (26%) mais seulement 5% se sentent très bien informé.

  • Les moins de 35 ans sont les plus informés sur le sujet (32%). Les catégories populaires sont les moins informés : 81% se sentent mal informés contre 71% chez les catégories sociales plus élevées (écart de 10 points). Ainsi, un besoin d’information et de formation apparait nécessaire pour les Français. La quasi-totalité considèrent qu’il faudrait plus de formation à l’agroécologie pour qu’elle devienne une pratique généralisée (90%, dont 37% de tout à fait d’accord). Plus particulièrement, il faudrait que cette technique fasse partie des programmes scolaires agricoles (88%).
    Dans les faits, les Français seraient intéressés pour avoir de l’information, des formations ou des animations sur les pratiques agroécologiques à mettre en place chez soi, et plus particulièrement sur l’alimentation saine et la cuisine de légume de saison (77%) et le compostage en ville ou dans son jardin (70%).
    Ce besoin d’apprentissage est particulièrement fort concernant les pratiques agroécologiques à faire chez soi, au sein du potager. Près de trois quarts des Français se montrent réceptifs pour avoir de plus amples outils sur ces pratiques (72%), notamment de l’information (42%), des formations (32%) ou même des animations (18%)
  • Les moins de 50 sont sensibles aux formations (40%) alors que leurs ainés recherchent davantage d’information (51% des 50-64 ans).

Le jardinage urbain et les jardins partagés sont également des solutions qui suscitent de la curiosité. Plus de la moitié des Français seraient intéressés pour avoir de l’information(37%), des formations (25%) ou des animations (18%) concernant le jardinage urbain (63% au total). De même ce besoin est équivalent pour les jardins partagés (58%) : un souhait d’avoir de l’’information (34%), des formations (21%) ou des animations (18%) est partagé.

  • Les habitants des grandes agglomérations sont les plus réceptifs, n’ayant pasforcément accès à un jardin : 66% des habitants des agglomérations de plus de 100 000 habitants et 68% des habitants de l’agglomération parisienne souhaite avoir deséléments supplémentaires de connaissance sur le jardinage urbain. Ils sont respectivement 64% et 67% concernant les jardins partagés et participatifs.
  • Les moins de 35 ans, davantage urbains, partagent cette envie d’en connaitredavantage sur les jardins partagés (73%).

En conclusion, cette étude révèle quelques grands enseignements :

  • Les Français estiment que le système d’agriculture conventionnel actuel a de nombreux défis à relever d’un point de vue environnemental, économique et surtout social. Ils considèrent notamment que les agriculteurs sont aujourd’hui insuffisamment valorisés.
  • Ainsi le modèle actuel doit évoluer, que ce soit radicalement ou légèrement. Pour cela, plusieurs moyens d’actions peuvent être mis en œuvre, à commencer par la suppression des intrants chimiques et la revalorisation de la formation des agriculteurs aux techniques agroécologiques.
  • Sur un plan personnel, les Français sont sensibles aux pratiques agroécologiques et notammentdans le cadre d’un potager. Une majorité consomme des produits frais au moins une fois par moiset possèdent ou souhaite posséder un potager. Pour autant, un besoin de davantage formation se fait sentir, notamment pour ceux qui ont un attrait sur le sujet.
  • L’agroécologie, si elle est encore peu connue apparait comme une technique qui attirent les Français. Ils y identifient de nombreux bénéfices que ce soit au niveau personnel, sur leur alimentation ou plus général. Perçue comme alternative au modèle actuel d’agriculture, les Français estiment qu’elle devrait davantage être soutenue par les pouvoirs publics.
  • Les Français sont également demandeurs d’informations et de formations sur le sujet afin d’appliquer les techniques agroécologiques à leur échelle (alimentation saine, compost, pratiques au sein du potager).

(Sondage OpinionWay pour Terre et Humanisme, janvier 2022)