Tapisserie Mille fleurs sauvages, Dom Robert

Cette exposition s’intéresse à l’iconographie de la flore et de la nature à travers les siècles, grâce à un parcours autour de six thèmes et en confrontant oeuvres anciennes et contemporaines.

Le thème de la flore est particulièrement en faveur dans la production des tapisseries dès le Moyen-Âge. Au fil du temps, en fonction des modifications du goût, de l’évolution des conditions de vie et des préoccupations artistiques, la représentation du monde végétal va s’exprimer sous différentes formes : “mille-fleurs”, verdures, cycle des mois et saisons, paysages.

La tradition des “verdures” et “mille-fleurs”
Une “verdure” se caractérise par l’omniprésence d’une nature verdoyante et touffue, qui couvre presque toute la surface tissée. Ces tapisseries, décoratives avant tout, offrent une fenêtre ouverte sur un paysage agréable, évoquant de préférence une forme d’harmonie originelle entre l’homme et la nature.
À la fin du XVe siècle, c’est d’abord la vogue des petites fleurs qui remplissent entièrement les fonds. Leur foisonnement est tel qu’on les dénomme “mille-fleurs”. Leur fraîcheur reflète délicatement la nature et le temps de la vie seigneuriale. Vers 1520 un nouveau décor succède aux mille-fleurs. Il est constitué d’une végétation schématisée dont les grandes feuilles rappellent les acanthes stylisées de l’art grec ou romain. Puis au XVIIe et XVIIIe siècles, la verdure se complexifie aussi bien au niveau de la représentation que de l’iconographie. Elle se remplit d’animaux exotiques et familiers, parfois de personnages et aussi de quelques constructions. Les premiers paysages sont conventionnels, le réalisme n’étant pas la préoccupation principale. Enfin, les peintres (Tenture des Enfants jardiniers de Le Brun), en introduisant la notion de cycle des mois et des saisons, transforment profondément l’aspect de la “verdure”. Avec la Tenture des Saisons, du même artiste, le décor naturel se peuple de dieux mythologiques et, si l’élément végétal subsiste, c’est à titre évocateur et symbolique.

Verdures contemporaines
Le thème de la nature, toujours vivant, revêt des formes renouvelées à travers les créations modernes et contemporaines tissées dans les manufactures nationales des Gobelins et de Beauvais.
Comment la modernité aborde t-elle le sujet et réinterroge t-elle l’idée de nature ? Les “verdures” d’aujourd’hui qu’on découvre dans l’exposition questionnent les nouvelles relations que nous entretenons avec la nature à travers le regard d’une vingtaine d’artistes. La nature y apparaît comme un lieu d’étonnement, de contemplation et d’expérience sensible. Le motif, pris comme source d’inspiration, devient évocation, souvenir d’une sensation. L’artiste donne à voir des détails en gros plan, des détails démesurément agrandis. Ce rapport inhabituel d’échelles, de proportions et d’émotions témoigne d’une expérience personnelle de la réalité de la nature, qui ne passe pas forcément par le réalisme. On peut voir dans de telles approches des analogies avec des technologies telles que la photographie ou la vidéo.

Le parcours de l’exposition
Le parcours ne se veut pas chronologique ; plus qu’une présentation didactique, il s’agit d’une invitation à la promenade dans un cadre de verdure où le passé et le présent se croisent et se répondent par le jeu des variations iconographiques et chromatiques.
Les Saisons de Le Brun conversent avec les Saisons de Lurçat; des “mille-fleurs” du XVe siècle se mêlent aux fleurs sauvages de Dom Robert ou à la végétation foisonnante de l’immense tapisserie, inédite, de Ballif; les verdures et les paysages du XVIe au XVIIIe siècle mêlent leurs frondaisons à celles de Monet, Buri, Hajdu, Alechinsky, Prassinos, Traquandi, ou bien encore avec le jardin d’Alice au pays des merveilles qui inspire Monory…
Plusieurs exemples de chefs d’œuvre de mobilier recouverts de tapisseries à motif floral ou végétal rythment et complètent par ailleurs le parcours (Follot, Gondouin, Gaudissard, Bénédictus et Piot pour la première moitié du XXe siècle ; Aballéa, Couturier, Gette pour le contemporain).

Fauteuil Jour, Martine Aballéa :Tapisserie de Beauvais, 2006

Parcours de l’exposition

La représentation de la nature végétale est présente dans toutes les époques, notamment dans l’art de la tapisserie. Pour mettre cette constante en évidence, l’exposition propose un parcours mettant en regard des pièces anciennes et des pièces contemporaines. Tapisseries et dentelles, telles des jardins verticaux, accompagnées de mobiliers en tapisserie, de tapis et de quelques autres objets, invitent à une ballade ensoleillée à travers six variations de la nature. Certaines œuvres suspendues dans le vide permettent de découvrir ce qui ne se voit pas habituellement, l’envers des choses.

Variation 1 : Feuillages de verdure
Variation sur un seul élément de la nature : le feuillage
À la Renaissance, un motif végétal, la feuille, devient le sujet principal de la surface tissée. Les tapisseries se couvrent de plantes à larges feuilles dans un foisonnement luxuriant. Ces éléments de feuillage vont être traités sous différents aspects. Une des formes est stylisée, rappelant les acanthes de l’art grec ou romain (la Renaissance redécouvre l’Antiquité). L’autre forme s’inspire davantage des plantes naturelles, reflet de l’intérêt croissant porté à l’étude des plantes dans l’Europe de la Renaissance.
La vision humaniste de l’harmonie entre l’Homme et une nature grandiose, abondante et sauvage se retrouve aussi bien chez Schumacher, Traquandi, Alechinsky que chez Oppenheim. Quant à Meurice, Messagier ou bien Hajdu, ils revisitent à leur manière l’idée d’herbier de façon plus ou moins réaliste.

Variation 2 : Fleurs
Variation sur un élément ornemental de la nature : la fleur.
Les fleurs, qui par leur beauté embellissent notre quotidien, ont toujours été un motif de représentation très apprécié. Les mobiliers recouverts de tapisserie des années 1925 et le vase de porcelaine du Second Empire offrent ici une vision traditionnelle où les fleurs reflètent symboliquement la fugacité de la beauté. La fleur y est encore présentée dans son statut de motif à caractère purement décoratif et ornemental. Si les fleurs sont identifiables et naturalistes, elles n’en sont pas moins recomposées dans une perception idéalisée.

Variation 3 : Saisons
Au XVIIe siècle, les peintres, en introduisant la notion de cycle des mois et des saisons, transforment profondément l’aspect de la tapisserie de “verdure” traditionnelle. Avec La Tenture des Saisons de Le Brun, la “verdure” se transforme en paysage classique où les dieux mythologiques, au premier plan, sont le sujet principal. L’élément végétal devient un élément de décor, relégué à l’arrière plan. En regard, Les Saisons de Lurçat apparaissent comme une expérience personnelle de la réalité de la transformation de la nature, qui ne passe pas forcément par le réalisme. L’élément végétal s’empare à nouveau de tout l’espace.

Variation 4 : Constance
Variation sur l’intemporalité, l’invariabilité, la permanence de l’élément végétal.
Aucune œuvre ancienne ici, seul le regard d’artistes contemporains. Les pièces restituent, par leurs motifs et leurs traitements en camaïeu, une sorte de parc de la mémoire de la nature afin d’en percer le mystère, d’en extraire le dense et l’exubérant, le répétitif et l’unique, l’énergie et le rythme. Ces “verdures” sont enracinées dans la permanence, réelles sans réalisme, ni passé, ni présent, ni futur. Elles sont, tout simplement.

Variation 5 : Mille fleurs
Variation sur la représentation de la fleur comme expérience esthétique : Mille fleurs.
La multitude des petites touffes florales du Moyen-Âge disposée en semis sur le fond des tapisseries, dont on retrouve la délicate fraîcheur chez Dom Robert, évoluent vers de nouvelles conceptions de la représentation florale chez Redon, Monet, Gette, Aballéa ou Couturier. La fleur porte en elle les germes d’une modernité qui permet de repenser la nature à travers le nouveau regard que les artistes ont sur le monde: forte charge existentielle, expressivité d’une perception immédiate, mutation de la forme en contenu, potentialité abstraite de ses formes, sérialité de l’image, vecteur de l’inquiétant et de l’anarchique…

Variation 6 : Jardins
Variation sur la nature domestiquée par l’homme : le jardin.
Ce n’est plus un élément, feuillage ou fleur, qui va servir de motif pour exprimer l’idée de nature mais un ensemble d’éléments sélectionnés, plantés, ordonnancés en un aménagement durable d’un espace défini pour le plaisir du regard et comme lieu de vie. On pourra admirer toutes sortes de jardins: le jardin de la Renaissance avec “Verdure à portique”, le jardin à la française avec les tapisseries du XVIIe siècle ou le tapis de Despierre, le jardin surréaliste de Pothier, le jardin d’agrément de Picart le Doux, le jardin botanique de Gette, le jardin historique de Cuzin, le jardin sauvage de Buri ou Monory…

Gobelins par Nature - Eloge de la Verdure - XVIè-XXIè siècle

Informations pratiques
Exposition “Gobelins par Nature Éloge de la Verdure XVIe-XXIe siècles”
Du 9 avril 2013 à janvier 2014
Galerie des Gobelins, 42, avenue des Gobelins 75013 Paris
Ouverture du mardi au dimanche de 11h à 18h. Fermeture de la billetterie à 17h30. Fermeture exceptionnelle de la Galerie des Gobelins jeudi 30 mai et vendredi 31 mai 2013 toute la journée. Fermé en août.

Visites individuelles : tous les jours, de 11h à 18h, sauf le lundi et le 25 décembre, le 1er janvier, le 1er mai et le mois d’août.
Droit d’entrée : plein tarif 6 €; tarif réduit 4 €.
Accès gratuit pour les moins de 18 ans et le dernier dimanche de chaque mois.

Visites conférences (durée 1h) : les mercredis et dimanches à 15h30, les jeudis à 16h et les samedis à 14h30 et 16h.
Enfants : 4 € + 7,50 € par parent accompagnateur.
Adultes : tarif plein 10 €; tarif réduit 7,50 €.
Vente sur place dès l’ouverture de la galerie à 11h, dans la limite des places disponibles.