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Eric Goulouzelle, directeur territorial pour l’ONF, a commis un billet d’opinion sur les sècheresses que subit la forêt domaniale de Fontainebleau et le risque accru d’incendies.

“À Fontainebleau, nous avons compté la première semaine d’août 4 départs de feu, un tous les deux jours quand d’ordinaire nous en dénombrons 30 maximum par an. 7 hectares ont brulé. Ces incendies n’ont rien à voir avec les feux qui attaquent les forêts méditerranéennes et les averses récentes ont heureusement mis fin à cette séquence. Mais cette sécheresse remarquable par son ampleur, sa durée, ses conséquences nous interpelle.

Nous assistons au déplacement dans l’espace forestier francilien d’un genre d’opérations auquel nous sommes habitués dans les territoires du midi méditerranéen. Comme si la géographie avait changé et que soudainement, à 40 minutes de Paris, c’était déjà le Sud. Cela modifie notre perception de la forêt, en accord avec l’évolution des risques qu’elle encourt.

Les deux semaines qui se sont écoulées nous ont montré une forêt asséchée, parée à certains endroits des couleurs de l’automne : les hêtres, qui supportent mal le manque d’eau, roussissent ; en sous-étage, les fougères se dessèchent. Cette forêt déshydratée reste cependant une forêt très ouverte au public et on peut y voir un symbole. La forêt qui de façon exceptionnelle ces dernières semaines a pris feu presque tous les jours est aussi celle qui est la plus fréquentée, avec ses 10 millions de visiteurs par an.

Cette fréquentation nous questionne. D’une part, il est certain que le changement climatique, source de sécheresse et de canicule, est d’origine anthropique. D’autre part les feux qui consument ces forêts sont quasiment systématiquement d’origine humaine, nés d’un manque de vigilance ou de civisme. Comme si l’homme faisait peser sur ce milieu une double menace, créant à la fois les conditions d’un drame et l’élément déclencheur.

Cependant, c’est cette même présence humaine qui a sauvé la forêt (au-delà de l’intervention des pompiers et des forestiers qui ont fait un travail remarquable d’efficacité et de précision sur un terrain parfois difficile, par exemple dans les chaos rocheux). Cette forêt travaillée, exploitée depuis des siècles est une forêt sillonnée d’allées qui facilitent le déplacement des engins mais aussi celui des promeneurs, qui sont autant de guetteurs. Rapidement signalés, les feux sont ainsi rapidement attaqués par les équipes.

Cette ouverture au public, que nous décrivions plus haut comme une source de risques portés par quelques-uns est aussi une chance incarnée par l’attachement du plus grand nombre à ce patrimoine naturel. Nos très sèches forêts sont aussi nos très chères forêts. Et face aux menaces décrites plus haut (ces sécheresses à répétition qui engendrent dépérissements et incendies), il faut que nous nous posions la question de la façon et des moyens permettant de mieux les surveiller, de mieux les protéger, de mieux les renouveler. Car nous ne nous leurrons pas : cette séquence d’incendies n’est pas la conséquence d’une série inédite et exceptionnelle d’événements de sécheresse ; c’est le début d’une longue et difficile période.

Ainsi à court terme instaurer des systèmes de surveillance et de lutte contre les incendies dans les forêts d’Île de France à l’instar de ce qui se fait dans nos régions méditerranéennes risque d’être indispensable. On sait le coût en matériel, en hommes, que cela représente. À plus long terme, il faut aussi mener la transformation de cette forêt et de ses peuplements afin d’accroître sa résilience, sa capacité à supporter ces nouvelles conditions climatiques. Les expériences permettant de choisir les essences les plus adaptées sont en cours, les projets sont prêts. Il faudra engager les moyens suffisants pour les déployer. À l’heure où l’on évoque les capacités des forêts, et elles sont bien réelles, à atténuer le changement climatique, il convient de renforcer la capacité des hommes à adapter ces mêmes forêts aux conséquences d’un changement dont nous sommes collectivement responsables. Ces forêts, dont nous avons tant besoin, ont aussi besoin de nous.” (Eric Goulouzelle, Directeur territorial Seine-Nord de l‘ONF, 20 août 2020)