Réclamer la terre. Cri de ralliement autant que prise de conscience, cette exposition collective s’appuie sur un constat de sa conseillère scientifique Ariel Salleh : « Rassembler écologie, féminisme, socialisme et politiques autochtones signifie renoncer à la vision eurocentrique pour adopter un regard véritablement global. »

Désirant penser le monde par-delà nature et culture, l’exposition suit la trace d’artistes qui travaillent autrement les éléments (eau, feu, air, terre) ou la matière dite « naturelle » (végétaux, minéraux…) comme autant de motifs ou de techniques irréductibles à leur simple matérialité.

Ce sont des vecteurs culturels, historiques et politiques que ces artistes s’emploient à revitaliser dans un contexte d’urgence écologique, en les envisageant à la fois comme médium et comme outil.

Quatorze artistes, de différentes générations et origines, examinent ainsi des problématiques telles que les liens entre le corps et la terre, notre relation primordiale au sol et à tout ce qu’il porte, la disparition de certaines espèces, la transmission de récits et savoirs autochtones, le glanage et la collecte, ou encore la justice sociale et la guérison collective.

Ces artistes nous permettent de prendre conscience que nous ne sommes pas « face au paysage », ni « sur terre » mais qu’au contraire nous faisons corps avec elle, créant cette « communauté du sol » dont parlait Rachel Carson, figure à l’origine du mouvement écologiste.
La question d’un rapport de parenté et d’alliance est posée, en remplacement d’un modèle obsolète de subordination et de domination, car « la Terre n’est ni une réserve naturelle, ni une ressource agricole, c’est un écheveau de relations entre minéraux, végétaux, animaux et humains. »

Il faut sortir d’un modèle de société capitaliste et extractiviste pour remettre les êtres humains à leur juste place: non pas au-dessus, mais parmi, non pas des individus séparés de leur environnement, mais des « entités relationnelles. »

« Réclamer la terre », c’est mettre au jour des ramifications nouvelles pour des artistes qui nous aident à penser et ressentir une nature chargée, intensifiée. Il s’agit de fouiller la terre au sens propre comme au sens figuré, de transformer des racines souterraines en racines aériennes, de (re)mettre en avant des récits oubliés, réduits au silence, ou même à inventer.

Léuli Eshrāghi, conseiller·e scientifique de l’exposition, montre le besoin de souveraineté, réparation, soin et guérison des cultures autochtones discréditées par le colonialisme. S’éloignant d’une vision eurocentrique, les artistes de l’exposition développent de nouvelles connexions avec la nature, le vivant ou l’environnement. Les actions de ces artistes forment un assemblage complexe de pratiques et d’échelles de relation : à la terre, aux ancêtres, à la vie humaine et non humaine, ainsi qu’à la culture visuelle.

Il s’agit d’évoquer notamment un rapport au territoire, des cultures engagées, mais aussi des recherches sociales, culturelles ou spirituelles, témoignant de la résurgence de savoirs : savoir-penser, savoir-faire mais surtout savoir-être au monde.

Robert Milin, Jardin aux habitants, Maurice au jardin, 2019

Les 20 ans du jardin aux habitant.tes par Robert Milin

Créé en 2002 par l’artiste Robert Milin, le Jardin aux habitant.es rassemble des jardinier·es amateur·ices autour de l’entretien d’une parcelle de terre arable située contre le Palais de Tokyo. Les vingt ans de l’œuvre offrent l’occasion d’étudier son processus collaboratif et de célébrer son évolution à travers une programmation de rencontres, une publication et l’exposition de nouvelles œuvres de Robert Milin consacrées au jardin.

Hélène Bertin, César Chevalier : “Couper le vent en trois”

L’agriculture anime aujourd’hui le travail d’Hélène Bertin, comme elle prolonge ses recherches et ses œuvres antérieures. Hélène Bertin et l’artiste et futur vigneron César Chevalier, invité pour l’occasion, composent une partie de l’exposition à quatre mains et se font les passeur·ses parmi d’autres de savoir-faire et d’égards portés à la pratique viticole.

Laura Henno : ” Ge ouryao ! Pourquoi t’as peur !”

L’exposition personnelle de Laura Henno est le fruit de près de dix ans de travail dans l’archipel des Comores. Trois installations vidéo et un ensemble de photographies esquissent les contours mouvants des situations transitoires de personnes qui vivent en marge de la société. Leurs systèmes de survie incluent toutes formes du vivant et se tissent avec l’environnement qu’ils habitent, à la lisière de la forêt, entre la ville et l’océan.

Mimosa Echard, Myxomycètes, 2020, photo Adagp Paris

Mimosa Échard : “Sporal”

L’exposition Sporal, projet inédit, s’organise autour des champignons et des myxomycètes – des organismes monocellulaires, uniques par la place qu’ils occupent à la fois dans les sciences de la vie et dans une série d’imaginaires écologiques, futuristes et post-apocalyptiques. Il s’agit pour l’artiste de s’interroger sur les relations particulières qu’ils suggèrent des rapports de l’être humain, de la nature et de l’environnement.

Aïcha Snoussi : “Nous étions mille sous la table”

Première exposition personnelle de l’artiste tunisienne Aïcha Snoussi au sein d’une institution française, Nous étions mille sous la table lui donne l’occasion de déployer sa pratique tentaculaire, qui prend sa source dans le dessin, pour embrasser la sculpture, l’installation et la composition sonore.

Etel Adnan, Olivéa Hommage à la Déesse de l’Olivier

“A roof for silence” conçu par Hala Wardé en collaboration avec Etel Adnan avec le concours d’Alain Flescher et Soundwalk Collective

Après sa présentation à la 17ème Biennale d’architecture de Venise en 2021, A Roof for Silence, pavillon libanais imaginé par l’architecte Hala Wardé et l’artiste et poétesse Etel Adnan s’enracine au Palais de Tokyo, en résonance avec la saison Réclamer la terre.

Eva Medin

Eva Medin étudie la relation entre histoire de l’art, récits spéculatifs science-fictionnels, croyances animistes et puissance du sublime.
Elle génère des environnements immersifs rendant manifeste la prise de conscience d’un changement d’ère et de statut.
Le caractère prédictif des grands récits et la puissance évocatrice de la culture populaire, hybridant chair et technologie, terrestre et sacré, consacre les imaginaires de la métamorphose.
Ces nouveaux agrégats évoluent ici dans un tableau en trois dimensions,formalisation d’un temps et d’un espace reflétant un état d’esprit (J. G. Ballard).

Yhonnie Scarce, Cloud Chamber (détail), 2020 1000 ignames en verre sou é, acier inoxydable, câble renforcé, dimensions variables Vue d’installa on, « Looking Glass: Judy Watson and Yhonnie Scarce », TarraWarra Museum of Art (Healesville) Crédit photo : Andrew Cur s

Yhonnie Scarce

Née en 1973 à Woomera (Australie), vit et travaille à Melbourne (Australie). D’origine Aborigène Kokatha et Nukunu, Yhonnie Scarce travaille sur la nature poli que du verre. Ses créations récentes s’intéressent en particulier à la cristallisation du sable du désert suite aux essais nucléaires effectués par le Royaume-Uni en Australie-Méridionale de 1956 à 1963, contaminant au passage soldats, populations autochtones et nature environnante. Cette recherche entre en résonance avec les essais nucléaires effectués par la France dans le Pacifique : de 1966 à 1996, quatre-vingt-treize furent organisés en Polynésie française. Les répercussions de ces tests réalisés à distance de leurs commanditaires se font encore sentir aujourd’hui dans les territoires concernés.

Yhonnie Scarce imagine une nouvelle œuvre, qui évoque tant un nuage radioactif qu’une chute d’eau. Des centaines d’ignames (légume primordial dans l’alimentation Aborigène et symbole du lien au territoire) en verre soufflé à la main sont suspendus au plafond, évoquant des gouttes d’eau inversées et révélant les nombreuses pertes humaines et écologiques liées aux explosions nucléaires – si brûlantes qu’elles transformaient le sol en verre. Cette installation à la fois solide et fragile, faite d’un matériau résilient, rend hommage aux victimes humaines et non-humaines de la colonisation nucléaire.

En co-production avec l’Ikon Gallery (Birmingham). Yhonnie Scarce est représentée par la galerie THIS IS NO FANTASY (Melbourne).

Daniela Ortiz

Née en 1985 à Cuzco (Pérou), vit et travaille à Urubamba (Pérou). Daniela Ortiz conçoit des récits visuels dans lesquels les concepts de nationalité, de racialisation, de classe sociale et de genre sont explorés afin de comprendre de manière critique les structures du pouvoir colonial, patriarcal et capitaliste. Entre ex-voto et art naïf, ses peintures mêlent récits ironiques antiracistes et saynètes historiques. Dans ses travaux récents, l’artiste s’intéresse aux lieux bâtis au XIXe siècle (jardins botaniques, serres, zoos) qui prônent le récit d’une Europe industrielle, développée et civilisée. Créés dans le but de légitimer la violence infligée aux territoires, aux personnes, à la faune et à la flore du sud global, les récits dominants générés par ces structures restent d’après elle les bases du racisme institutionnel européen et de l’impérialisme contemporain.

Commencée en 2020, la série « The Rebellion of the Roots » inverse le cours de ces récits. Daniela Ortiz dépeint des scènes présentant des plantes tropicales qui, « séquestrées » selon ses mots dans des jardins botaniques, trouvent leur propre chemin pour confronter les politiciens et autorités responsables de ces crimes afin de rendre justice. À travers ces petits formats, l’artiste insuffle un esprit de résistance et appelle à la nécessité de soutenir les luttes anti coloniales existantes.

Daniela Ortiz est représentée par les galeries Laveronica (Modica) et àngels barcelona (Barcelone).

Informations pratiques

Palais de Tokyo,
13, avenue du Président Wilson, 75 116 Paris.

Horaires : le Palais de Tokyo est ouvert de midi à minuit tous les jours, sauf le mardi.

Accès :
Métro : Ligne 9, stations Iéna et Alma Marceau
Bus : Lignes 32, 42, 63, 72, 80, 82, 92
RER : Ligne C, station Pont de l’Alma