Musée du quai Branly. Affiche de l'installation "Le comte des nuages, Masanao Abe face au Mont Fuji".
En partenariat avec l’Intermédiathèque de Tokyo, le musée du quai Branly met en lumière Masanao Abe en présentant dans l’Atelier Martine Aublet une sélection d’œuvres majeures – photographies et films – mais aussi d’appareils photographiques ou de mesure de la collection du comte Masanao Abe récemment acquise par l’institution tokyoïte.

Nuage sur le Mont Fuji, Masanao Abe, le comte des nuages
Météorologue japonais de renom et passionné par la capture de l’image statique ou en mouvement, le comte Masanao Abe (1891-1966) a consacré 50 ans de sa vie à l’étude et à la photographie des corrélations entre les nuages et les courants atmosphériques sur le mont Fuji. Fondateur, en 1927, de l’observatoire Abe de recherche sur les nuages et courants atmosphériques, au pied du mont Fuji, il a laissé un héritage sans égal pour la photographie scientifique, qui impose de lui reconnaître aujourd’hui une place à part en tant que chercheur et inventeur de nouvelles techniques de l’image, aux côtés des Frères Lumières, de l’Américain Eadward Muybridge ou encore du Français Étienne-Jules Marey. Au-delà du caractère technique et scientifique, l’esthétique et la beauté des images du comte Abe doivent être aujourd’hui reconsidérées, à l’instar des photographies de nuages d’Alfred Stieglitz, comme une contribution à la photographie moderniste.

Informations pratiques
Le comte des nuages : Masanao Abe face au Mont Fuji
Jusqu’au 17 janvier 2016
Atelier Martine Aublet, musée du quai Branly, 37, quai Branly, 75007 Paris.
Tél. : 01 56 61 70 00.
www.quaibranly.fr
Mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h. Jeudi, vendredi et samedi de 11h à 21h. Ouvert les lundis des petites vacances scolaires.
#ComteDesNuages

Musée du quai Branly. Affiche de l'installation "Le comte des nuages, Masanao Abe face au Mont Fuji".

Masanao Abe (1891–1966), une vie pour l’étude des nuages
Né à Tokyo en 1891, Masanao Abe n’est encore qu’un enfant quand il assiste, en 1898, à la première projection à Tokyo du cinématographe, tout juste importé au Japon. Gravé dans sa mémoire, ce souvenir initiatique éveille en lui une aspiration envers l’image animée. Adolescent, il s’essaie à la fabrication de son propre appareil de prise de vues et se passionne pour le domaine et acquiert une “kineocamera”, un appareil de prise de vues à usage domestique, fabriqué au Japon.
Élève brillant, il intègre deux ans plus tard, le département de Physique de la faculté des Sciences de l’Université impériale de Tokyo et s’y fait vite remarquer pour ses
connaissances en matière d’appareils de prise de vues. En 1927, il fonde au pied du mont Fuji, “l’Observatoire Abe de recherche sur les nuages et courants atmosphériques”, réunissant une documentation colossale sur l’observation des corrélations entre les nuages et les courants atmosphériques. Ses études sur le mont Fuji ne se limitent pas à la simple obtention d’images d’archives. Celles-ci sont accompagnées de données minutieuses relatives à la météorologie telles que la date et l’heure, la pression atmosphérique et le temps, constituant ainsi un impeccable patrimoine scientifique

Inventions et recherches photographiques au service de la science
Lors d’une traversée en Méditerranée en 1923, Masanao Abe aperçoit la “Comtesse des vents”, forme étrange de nuage lenticulaire qui apparaît au-dessus de l’Etna et qui demeure immobile un certain temps avant de disparaître. De retour de voyage, il découvre cette même forme au-dessus du Mont Fuji. Dès 1925, il consacre tout son travail à la plus haute montagne du Japon.
Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, la photographie était utilisée pour les recherches sur les nuages. Toutefois, la mise en application des techniques filmiques, et plus particulièrement la prise de vues en accéléré et la prise d’images stéréoscopiques animées, qu’utilisa Masanao Abe, fut d’une ingéniosité inédite dans le monde de la météorologie.
Masanao Abe inventa divers instruments de mesure et d’enregistrement. Ces recherches, amorcées avec la prise d’images statiques au moyen d’un appareil photographique grand format, ont connu des développements techniques successifs, avec des images produites au moyen d’un appareil stéréoscopique, des images filmées aux formats 16 et 35 millimètres, des images en accéléré, des images stéréoscopiques filmées à partir de de ux points d’observation éloignés, puis avec la mise au point d’un dispositif de capture d’images stéréoscopiques animées permettant de contrôler simultanément les deux points d’observation, pour aboutir à une proposition relative à la méthode de projection des images stéréoscopiques animées.
Investigations sur les moyens d’enregistrer par l’image un objet mouvant et changeant, les expériences menées par Masanao Abe constituent également un nouvel examen de l’histoire de l’évolution des techniques de l’image. Il est donc nécessaire de réévaluer Masanao Abe dans l’histoire des sciences en tant qu’investigateur des techniques de l’image et ce aux côtés du cinématographe des Frères Lumière ou de la chronophotographie de l’Américain Eadward Muybridge et du Français Étienne-Jules Marey.

Une contribution inédite à la photographie moderniste
Au delà de son intérêt scientifique, le travail de Masanao Abe doit être reconnu du point de vue de l’histoire de la photographie. Ses photographies grand format des nuages flottant sur Fujisan, sont remarquables en tant qu’œuvres d’art saisissant l’apparence des montagnes d’avant-guerre, apparence qui nous est désormais inaccessible. Le comte des nuages nous propose un spectacle hypnotisant, une danse de séduction des volutes s’amassant et se dispersant autour du sommet imperturbable.
Ses photographies, d’une qualité indéniable, ne cèdent en rien aux esquisses de nuages à l’encre d’Alexander Cozens, peintre paysagiste du 18e siècle, ou encore aux photographies de nuages prises à la même époque par le photographe Alfred Stieglitz. Ainsi, les photographies d’archives des diverses expériences scientifiques menées par Masanao Abe font pleinement partie de l’histoire de la photographie moderniste.