Forêt en été, photo Fotolia / Swetlana Wall
La pollution modifie les communautés de champignons qui alimentent les racines des arbres en éléments nutritifs, ce qui pourrait expliquer la dégradation tendancielle de la nutrition des arbres dans les forêts européennes.

Les arbres sont dotés de racines prolongées par de longs réseaux de champignons, appelées mycorhizes. Ces associations sont basées sur l’échange entre le carbone capté par les arbres dans l’atmosphère, et l’eau et les minéraux puisés dans le sol par les champignons. La nutrition des arbres en dépend. Mais alors que celle-ci montre d’inquiétants signaux de dégradation en Europe, la diversité des mycorhizes demeure largement méconnue, qui plus est à de vastes échelles géographiques. Difficile alors de tenir compte de ces importants auxiliaires écologiques dans la gestion forestière et de prédire la réponse des écosystèmes aux changements des conditions environnementales. On sait, par les inventaires de leurs parties émergées (carpophores), que la reproduction de certains champignons est sensible aux changements globaux, mais ce qui se trame sous terre – leur croissance et leur association avec les racines – est nettement moins clair.

En prenant appui sur l’un des réseaux de suivi environnemental à la fois les plus complets et les plus étendus, ICP Forests (ICP Forests programme international concerté pour le suivi des impacts de la pollution atmosphérique sur les forêts, sous l’égide de la Convention des Nations unies sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance. http://icp-forests.net ), des chercheurs britanniques ont pu analyser 40 000 mycorhizes, à partir de 13 000 échantillons de sol collectés sur 137 sites d’observation répartis dans 20 pays sous le couvert des essences d’arbres les plus répandues en Europe. Les résultats montrent que la diversité des mycorhizes peut s’expliquer principalement par leur arbre hôte (son espèce et son niveau de nutrition) et par les conditions environnementales (pollution atmosphérique et acidité du sol).

Au-delà d’un seuil de pollution en azote, leurs communautés changent au détriment d’espèces capables de mobiliser l’azote présent dans les matières organiques du sol, et au profit d’autres espèces moins avantageuses pour l’approvisionnement des arbres en nutriments. Or ce seuil de retombées de polluants azotés s’avère bien inférieur au seuil critique couramment admis en Europe.

Cette étude intitulée “Environment and host as large-scale controls of ectomycorrhizal fungi” et publiée le 6 juin 2018 dans la version online du journal Nature, illustre la sensibilité de la biodiversité aux pollutions atmosphériques, ainsi que l’importance de l’activité des réseaux de suivi internationaux pour évaluer et comprendre ces impacts à large échelle. Elle a été menée par le Collège impérial de Londres (Imperial College London) et le Jardin botanique Royal (Royal Botanic Gardens, Kew), avec l’appui du Conseil du Royaume Uni pour la recherche sur l’environnement naturel (UK Natural Environment Research Council).

L’Office national des forêts est associé en tant que contributeur au programme international de suivi des écosystèmes forestiers ICP Forests. Il gère le réseau français RENECOFOR dont 12 sites (avec les observations qui sont menées depuis 25 ans) ont servi de support à l’étude.