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Le 22 mai dernier, le Muséum national d’Histoire naturelle a envoyé une alerte à l’attention de la presse concernant la découverte de Plathelminthes terrestres, des vers plats géants invasifs, sur le territoire français métropolitain et ultramarin. Une menace pour nos vers de terre et la vie des sols.

Une conséquence de la mondialisation et de l’accroissement des échanges internationaux de marchandises est l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. En France, on a ainsi vu arriver récemment le frelon asiatique, l’écureuil de Corée et le Plathelminthe de Nouvelle-Guinée. La découverte de ce dernier a donné lieu au lancement en 2013 par le Muséum national d’Histoire naturelle d’un appel à témoins sur les Plathelminthes terrestres (vers plats). Une équipe de chercheurs dirigée par Jean-Lou Justine de l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB – Muséum / CNRS / Sorbonne Université / EPHE), a ainsi étudié pendant 5 ans quelque 700 contributions de citoyens. Il s’agit de la première enquête d’envergure sur le sujet en France métropolitaine et territoires français d’outre-mer, basée sur les sciences participatives, dont les résultats sont publiés dans PeerJ.

Bipalium kewense, prédation en France, photo Pierre Gros - CCBY4-0
Cinq espèces de Plathelminthes bipaliinés (des genres Bipalium et Diversibipalium), originaires d’Asie, ont été rapportées sur le territoire français métropolitain et ultramarin : Guadeloupe, Martinique, Saint Martin, Saint Barthélemy, Guyane Française, Réunion, Mayotte mais aussi en Suisse, à Monaco et au Portugal. La moitié des observations en France métropolitaine est localisée dans le seul département des Pyrénées-Atlantiques. Deux de ces cinq espèces sont des géantes parmi les Plathelminthes terrestres, atteignant jusqu’à 40 cm de long. Les bipaliinés sont des prédateurs de la faune du sol, notamment des vers de terre, et représentent donc une menace pour la biodiversité des sols et leur équilibre écologique – ils sont capables de tuer des proies jusqu’à 50 fois plus lourdes qu’eux ! De plus, ces espèces se reproduisent par scissiparité (reproduction asexuée), moyen efficace pour une espèce invasive d’envahir rapidement un territoire. Même si une évaluation de leur impact écologique sur la biodiversité locale est nécessaire, les bipaliinés correspondent bien à la définition des espèces exotiques envahissantes.

Bien que l’invasion ait commencé il y a 20 ans – certains témoignages remontent jusqu’en 1999 -, les chercheurs n’ont trouvé aucune publication scientifique sur la présence de bipaliinés en France. Il est paradoxal que l’invasion d’un pays développé, en Europe, par des animaux aussi spectaculaires, n’ait attiré l’attention d’aucun scientifique ni d’aucune institution. Cela montre bien la méconnaissance de tous les acteurs dans ce domaine ; il va falloir pallier ce manque d’information sur les Plathelminthes terrestres qui seront de plus en plus souvent rencontrés en Europe par les citoyens et les professionnels de l’agriculture, de l’aménagement paysager, des sciences vétérinaires et de la médecine.

Référence
Jean-Lou Justine, Leigh Winsor, Delphine Gey, Pierre Gros, Jessica Thévenot. Giant worms chez moi! Hammerhead flatworms (Platyhelminthes, Geoplanidae, Bipalium spp., Diversibipalium spp.) in metropolitan France and overseas French territories.
PeerJ. 22 mai 2018 – DOI : 10.7717/peerj.4672

Article (en anglais) en accès libre: https://peerj.com/articles/4672