Musée du Louvre, exposition Dessiner en plein air, planche de dessinsL’exposition entend montrer la diversité de la pratique du dessin “sur le motif” ou “sur nature” en France dans la première moitié du XIXe siècle et s’attache à des figures majeures de l’art français : Delacroix, Corot, Chassériau, Valenciennes, Daubigny, ou d’autres moins connues comme le graveur Bléry…

Réalisée avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France et le soutien du musée d’Orsay, elle réunit plus d’une centaine de dessins et eaux-fortes et permet de présenter une trentaine de carnets de croquis, instruments par excellence du dessin de plein air.

La pratique du dessin en plein air, sur le motif, est bien attestée en France (comme en Europe) au XVIIe siècle et devient courante au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, jugée indispensable à la formation des jeunes artistes, elle ne cesse d’évoluer et prend une place capitale dans l’histoire du dessin. Les expressions « sur nature », « d’après nature », « sur le motif »… ont cependant une signification très fluctuante, incertaine, désignant aussi bien le dessin d’observation ou d’étude scientifique que le croquis d’étude, l’exercice d’élève, le relevé d’architecte, le dessin militaire, le dessin de mémoire, les notes de voyage ou le rendu à peine esquissé d’une impression fugitive.

Musée du Louvre, exposition Dessiner en plein air, planche de dessinsLe dessin sur nature se définit progressivement comme une œuvre en soi, une œuvre achevée ayant sa propre justification, sa propre finalité. Charles Daubigny peut ainsi publier en 1862 les eaux-fortes du Voyage en bateau à partir de ses croquis pris sur le vif et relatant ses excursions sur la Seine et l’Oise à bord du Botin, bateau-atelier qui lui permettait de travailler sur le motif.

L’espace de l’atelier et le plein air ne sont pas toujours des mondes distincts, et les artistes se situent souvent dans un va-et-vient entre les deux, l’œuvre de paysagiste de Corot étant au cœur de cette indétermination. Si le sujet est bien différent de celui de la peinture de plein air, la question de la couleur, prise directement sur le motif ou retravaillée en atelier à partir de notes de plein air, s’impose aussi au dessinateur.

Commissaire de l’exposition : Marie-Pierre Salé, conservateur en chef, avec la collaboration d’Hélène Grollemund, chargée d’exposition, département des Arts graphiques, musée du Louvre.

INFORMATIONS PRATIQUES
Du 18 octobre 2017 au 29 janvier 2018, Rotonde Sully, Paris 1er (75).
Horaires : de 9h à 18h, sauf le mardi. Nocturne mercredi et vendredi jusqu’à 22h.
Tarif unique d’entrée au musée : 15 €.
Publication : catalogue de l’exposition, coédition musée du Louvre éditions / Liénart éditions. 210 pages environ, 220 illustrations, 29 €.
Achat en ligne : www.ticketlouvre.fr
Renseignements : www.louvre.fr

Musée du Louvre, exposition Dessiner en plein air, planche de dessinsPARCOURS DE L’EXPOSITION
(texte des panneaux didactiques de l’exposition)

INTRODUCTION
La pratique du dessin sur nature est très répandue au XIXe siècle, indispensable aussi bien aux artistes néo-classiques qu’aux paysagistes de la génération des romantiques ou des peintres de Barbizon. Sur le motif, les dessinateurs se font observateurs mais conservent leur faculté d’invention et leurs références artistiques. L’exposition, consacrée aux artistes français, montre la grande diversité des pratiques, en insistant sur les constants échanges entre le travail de plein air et le travail d’atelier.

TRADITION, APPRENTISSAGE, « NAÏVETÉ »
La pratique du dessin de plein air, hors de l’atelier, s’est répandue en Europe à partir du XVIe siècle et artistes, voyageurs, ou amateurs lettrés s’y adonnaient librement. Dès le XVIIIe siècle l’étude sur le motif est conseillée aux jeunes pensionnaires de l’Académie de France à Rome, en complément du dessin d’après la gravure et les maîtres. Dans la tradition néo-classique encore très présente dans la première moitié du XIXe siècle, il s’agit pour le paysagiste de recueillir des motifs qui serviront à l’invention d’un paysage idéal en atelier. Les dessinateurs qui travaillent sur nature restent parfois imprégnés des modèles pittoresques, par exemple pour la représentation des arbres. Pour les artistes du cercle de Barbizon, dessiner sur le motif signifie tout autre chose : retrouver un regard « naïf », apprendre en observant directement la nature et non d’après des modèles. Les dessins sur le motif sont souvent repris en atelier, pour en fixer simplement les traits à la plume ou les rehausser d’un lavis.

GRAVER « SUR NATURE MÊME »
A la fin des années 1830, le graveur Eugène Bléry (1805-1887) travaillait sur le motif dans la forêt de Fontainebleau. Ses paysages étaient alors « d’après nature » c’est-à-dire repris en atelier d’après des études sur le vif. En 1845, il exécuta ses premières planches gravées « sur nature même », exposées ici, emportant avec lui en forêt ses cuivres recouverts d’un vernis clair. La technique de l’eau-forte donne une certaine facilité à l’artiste qui peut dessiner avec une pointe directement sur la plaque, presque aussi librement qu’il le ferait avec un crayon sur un papier. Bléry revendiquait cette pratique rare : il a inscrit la mention « gravé sur nature » dans ses compositions et l’a précisée aussi au crayon sur certaine épreuves.Face au motif, le graveur conserve ses facultés d’invention et d’ imagination, mais aussi ses références artistiques, empreintes de pittoresque.

VUES URBAINES ET ARCHITECTURALES : OBJECTIVITÉ ET PITTORESQUE
Pour l’illustration des Voyages pittoresques de Taylor et Nodier, les artistes étaient envoyés dessiner sur le motif de façon la plus exacte possible monuments ou curiosités naturelles. Ils se sont souvent représentés in situ, avec leur crayon et leur carnet mais les compositions étaient reprises à Paris, par des lithographes, pour leur donner un effet plus pittoresque. L’exercice du relevé faisait partie de la formation des architectes mais au XIXe siècle ils se veulent aussi paysagistes aquarellistes. Pour une transcription objective, les architectes pouvaient tracer à l’aide d’une chambre claire. Le graveur Meryon a aussi utilisé l’instrument pour certaines de ses vues de Paris dont il a ensuite modifié le dessin initial trop précis.

A la fin des années 1830, l’invention du daguerréotype a été saluée par certains comme pouvant remplacer le dessin sur nature, en garantissant – enfin – une parfaite objectivité. C’est l’ambition de Lerebours dans les Excursions daguerriennes, mais seuls trois daguerréotypes ont été gravés directement ; les autres ont été repris par la main d’un graveur, avec un résultat parfois très proche des Voyages pittoresques.

LE VOYAGE EN BATEAU DE DAUBIGNY
En 1857 Charles François Daubigny (1817-1878) aménage le Botin, bateau-atelier à bord duquel il sillonne la Seine et l’Oise pour dessiner et peindre au cœur de la nature. L’idée du récit du Voyage en bateau apparaît pour la première fois dans une lettre illustrée à son ami le sculpteur Geoffroy-Dechaume, il y raconte avec humour et fantaisie ses aventures à bord. Pour dessiner, l’artiste a utilisé un petit carnet de poche, dont il a plus tard détaché les pages, travaillant sur nature mais aussi de mémoire, inventant peut-être certaines scènes. Seuls quinze dessins – sur la trentaine – ont été traduits à l’eau-forte. Daubigny a reporté ses compositions sur le cuivre à l’aide de calques intermédiaires, veillant à conserver la spontanéité et la liberté des premiers croquis. Ce style « primesautier », correspondait au renouveau stylistique défendu par Cadart, son éditeur, créateur de la Société des aquafortistes en 1862.

COROT : ENTRE SUR NATURE, DE MÉMOIRE ET ATELIER
Élève du paysagiste néo-classique Michallon, Camille Corot (1796-1875) a pratiqué à ses débuts le dessin sur le motif avec le désir de transcrire précisément, de façon scrupuleuse la nature ou les sites qu’il observait. Au cours des années 1840 ses dessins deviennent allusifs, parfois même illisibles. En 1859, Baudelaire qualifiait son trait de « synthétique et abréviateur ». Les carnets de croquis de l’artiste attestent la permanence du travail de plein air, mais rien ne distingue clairement les croquis sur le motif des œuvres dessinées de mémoire ou en atelier – dessins, eaux-fortes ou clichés- verre. Atelier et plein air se mêlent dans l’esprit de Corot : « Après mes excursions, j’invite la Nature à venir passer quelques jours chez moi […] je cherche des noisettes dans les bois de mon atelier ; j’y entends chanter les oiseaux, les arbres frissonner sous le vent, j’y vois couler les ruisseaux et les rivières … » (cité par Th. Silvestre).

TRANSCRIRE LA COULEUR
Depuis le XVIIIe siècle, les peintres ont cherché à transcrire directement les couleurs en travaillant en plein air, grâce à la technique de l’huile sur papier. Les dessinateurs qui travaillent au crayon peuvent annoter plus ou moins leurs croquis en décrivant les couleurs et les effets de lumière et poser les couleurs dans un second temps, en atelier. L’aquarelle de plein air est assez peu répandue en France dans la première moitié du XIXe siècle, mais certains artistes l’ont pratiquée comme Marius Granet ou, de façon marginale, Eugène Delacroix, influencé par l’école anglaise. Certaines esquisses au pastel de Delacroix ont aussi sans doute été exécutées sur le motif.

DU LIVRE D’ESQUISSES AU CARNET DE POCHE
Au XIXe siècle, le modèle du « livre à dessiner », fabriqué de façon artisanale comme au XVIIIe siècle, existe toujours mais les artistes peuvent trouver chez les marchands de couleurs un choix de plus en plus étendu de carnets de poche. D’une grande variété, de diverses dimensions, de format « agenda » ou « paysage », du plus simple au plus raffiné, peu onéreux ou plus luxueux, ces carnets sont le parfait accessoire du dessinateur de plein air et facilitent le travail sur le motif.